95% des NFT ne valent plus rien (pour l'instant) Deux ans après l'émergence du phénomène, la bulle semble avoir éclaté.

Repéré par André Masson sur Business Insider, 22/09/2023 à 19h00 ici dans Korri Slate https://korii.slate.fr/biz/majorite-nft-valeur-zero-marche-actifs-tokens-blockchain-investissements-achats-ventes-crypto-bulle-speculative

On ne sait pas ce que vous avez fait ces deux dernières années, mais ça s'est sûrement mieux passé que pour la majorité des personnes détenant des portefeuilles avec des NFT («jetons non fongibles»). Pour le marché de ces objets informatiques à la propriété identifiée par la blockchain, c'est l'heure du bilan: et il est salé, comme l'indique le site de Business Insider.

Les experts du site spécialisé dappGambl ont fait les comptes. Sur 73.257 collections de NFT identifiées, 69.795 ont aujourd'hui une valeur de… 0 Ethereum (ETH, une des cryptomonnaies les plus populaires). Ainsi, pas moins de 23 millions d'investisseurs se retrouvent avec cet actif invendable sur les bras.

Et ce n'est guère plus réjouissant pour les autres NFT, qui s'échangent aujourd'hui à une valeur située entre 5 et 100 dollars (entre 4,7 et 93,8 euros) pour 41% d'entre eux. L'étude estime que moins de 1% seulement des NFT sont valorisés au-delà de 6.000 dollars (environ 5.625 euros).

On est bien loin des montants vertigineux enregistrés il y a encore deux ans: 2,8 milliards de dollars (environ 2,37 milliards d'euros) d'échanges sur le seul mois d'août 2021. Juste après la vente record en mars de la même année: 69,3 millions de dollars (plus de 58 millions d'euros) pour l'œuvre d'art numérique Everydays: the First 5.000 Days de l'artiste américain Beeple. Tout était réuni en 2021 pour que tout le monde veuille sa part du gâteau.

Car contrairement à la mode des pin's dans les années 1990 qui a dès le départ été un truc de beaufs, les NFT opposent ceux qui n'y croient pas –qui irait payer 300.000 dollars pour un fichier jpeg montrant un singe?– et ceux qui veulent faire croire qu'ils y comprennent quelque chose et qui veulent monter dans le train «web3»: les marques, les artistes, les sportifs et même Daech s'y mettent. Les chiffres délirants de ventes encouragent chacun à se dire «et pourquoi pas moi?». La fête est finie

Comment expliquer alors ce qu'on appellera poliment un «ajustement»? Le marché des NFT semble avoir brutalement réalisé qu'il s'est un peu emballé. Il n'a par exemple pas anticipé que les conditions de sécurité informatique n'étaient pas forcément réunies pour investir des sommes astronomiques sur des actifs dématérialisés. Il a aussi découvert une régulation plus contraignante (et la taxation qui va avec).

Mais surtout, depuis cette année 2021, les investisseurs ont certainement évolué, intégrant l'idée que ces actifs peuvent aussi perdre de la valeur et qu'ils pouvaient, aussi, être plus sélectifs dans leurs achats. Une forme de maturité, donc. La bulle internet a explosé de la même façon en 2000 et ça n'a pas tué le web. À lire aussiMauvaise nouvelle: même Daech s'est mis aux NFT

Ce coup de frein est donc peut être salutaire pour les NFT qui vont pouvoir faire le tri dans leurs rangs et compter sur une plus grande rationalité des investisseurs, pour certains échaudés par leurs premiers pas dans le monde des NFT. Les chiffres de début 2023 (38% d'échanges en plus entre janvier et février) peuvent conforter cette idée et rassurer les détenteurs d'actifs.

Mais rien n'assure que ce marché, purement spéculatif, reparte durablement dans le contexte économique actuel. Le signal envoyé par ces actifs estimés à zéro est terrible et confortent les plus sceptiques dans l'idée que le marché des NFT est un jeu à somme nulle qui n'engendre aucune valeur sociale au sens économique du terme. Les 23 millions d'investisseurs en bas de cette pyramide de Ponzi le savent: leur argent n'est pas parti en fumée, il a juste changé de main. Et on ne les y reprendra pas.